LUXE & DIGITAL - UNE STRATÉGIE DEVENUE INDISPENDABLE

Sommaire

La crise des années 2000 n’a épargné personne à l’exception de l’industrie du luxe. Synonyme de rareté et d’exclusivité, le secteur du haut de gamme est en accroissement perpétuel d’année en année. En 20 ans la croissance économique est de 7,3% par an. Même si entre l’année 2013 et 2014 celle-ci a été plus frileuse avec seulement 2% de progression, il n’en reste pas moins que le secteur du luxe est l’un des seuls marchés à connaître cette évolution. En 2014 le chiffre d’affaires a été de 223 milliards d’euros contre 153 milliards cinq ans auparavant. Aujourd’hui l’industrie haut de gamme fait les beaux jours de l’économie mondiale avec pour acteur majeur l’hexagone et son Made In France de plus en plus recherché sur les marchés internationaux des pays émergents et de nos voisins outre-Atlantique.

shutterstock_323566982

En France, le secteur du luxe dominé par Louis Vuitton et les acteurs LVMH & Kering a vu son chiffre d’affaires atteindre 31 milliards d’euros (27,4% du marché mondial) répartis sur 35 secteurs d’activités. La France forte de sa notoriété et de son savoir-faire voit ses ventes exportées à 84% à l’étranger. Les acteurs du haut de gamme réalisent 50% de leur chiffre d’affaires français grâce au tourisme, la France étant la première desti­nation mondiale. Beaucoup d’étrangers et notamment les touristes d’origine asiatique prévoient dans leur budget vacances une somme importante à dépenser sur la célèbre avenue Montaigne qui compte parmi ses com­merçants les plus grandes enseignes de luxe mondiale.

I. LE LUXE : UN MONDE FERMÉ, RÉTICENT À S’EXPOSER

Il a fallu attendre des années et l’explosion d’internet et des réseaux sociaux pour que les grandes marques se mettent à l’ère du digital. Il faut dire qu’à l’arrivée de l’internet 1.0 à la fin des années 90, il était bien difficile pour les marques de retrans­crire une image glamour et luxueuse. De plus le web faisait peur aux en­seignes prestigieuses car le luxe c’est avant tout l’exclusivité, l’expérience et une image de qualité. Alors qu’internet est tout son contraire, caractérisé par la transparence de ses informations, l’ou­verture à tous et surtout la gratuité, mot banni du dictionnaire de la haute couture. 

 

Le luxe c’est avant tout un monde où le client est roi et l’exigence de rigueur. Le client a besoin de ressentir que ce qu’il achète et pos­sède lui est propre et ne se retrouvera pas à chaque coin de rue. Les chiffres exorbitants des campagnes de communication et les dé­filés étaient gardés secrets jusqu’à l’arrivée de l’internet 2.0. La transparence qu’impose internet n’était pas un mot clé du vocabulaire haut de gamme. Internet ouvre des possibili­tés et donne accès à l’inaccessible dans le sens où chacun peut percevoir et se laisser tenter. C’est aussi une source d’informations importantes qui apporte des éléments pas toujours flatteurs. Ce qui a longtemps freiné les grandes marques de prêt-à-porter c’est aussi le côté égalité, on entend par là que chacun peut trouver ce dont il a besoin via internet. Or le luxe revendique l’élitisme et un certain statut social. Tout le monde ne peut se permettre l’achat d’un sac Louis Vuitton et d’ailleurs on ne se procure pas ce dernier comme on pourrait se procurer un sac dans les magasins de la Rue Sainte-Catherine, à Bordeaux. 

 

Le luxe c’est avant tout un plaisir, une envie et surtout une personnalisation. C’est aussi un achat qui apporte fierté et confiance en soi et augmente la valeur sociale de l’individu. Ayant pour cible les CSP+ urbains, l’industrie haut de gamme a longtemps était accessible uniquement via les magasins des grandes villes. Toutes ces valeurs véhiculées par les enseignes apportent un signe de quali­té des produits. Internet ne propose pas non plus ce côté intime et personnalisé qu’un client peut trouver au sein d’un magasin ; il n’est pas conseillé et ne repart pas avec un produit bien enveloppé dans son écrin. Par son élitisme les marques de luxe choisissent le client et non l’inverse, ce qui est le cas du digital où l’utilisateur est maître de lui-même. Les marques de luxe mettent en alerte tous nos sens. Or en ce qui concerne le marketing sen­soriel, il est difficile derrière un écran de per­cevoir ce qui touche au gustatif (champagne, fois gras…) au tactile (cuir, soie…) ou à l’ol­factif (parfums…). 

 

Durant des décennies toutes les campagnes de communication étaient diffusées via la télévision par spots publicitaires ou via les magazines par affiches et pubs toutes plus belles les unes que les autres. Les marques pouvaient contrôler leur image sans risquer d’être détournées.

II. L’ÈRE 2.0 A RENDU LE DIGITAL INDISPENSABLE

La réticence des marques de luxe à propos d’internet et des réseaux sociaux a été longue, mais voyant l’ampleur que prenait l’arrivée du 2.0 et de la puissance d’internet, les enseignes n’ont eu d’autres choix que de s’y confronter. Il a fallu travailler sur une nouvelle stratégie et sélectionner sur quels réseaux sociaux ces marques allaient être diffusées. L’arrivée du 2.0 a aussi permis à chacune d’entre elles de créer son propre site internet : vitrine des valeurs que veut véhiculer la griffe auprès de sa cible. Aujourd’hui la majorité des clients vivent tous à travers l’internet. 99% de la cible principale possède internet via ordinateurs, smartphones et tablettes tactiles. Les griffes n’ont eu d’autres choix que de se positionner sur les réseaux so­ciaux. 97% d’entres elles sont présentes sur au moins un réseau social. Aujourd’hui le plus puis­sant est Facebook où Louis Vuitton attire plus de 17,7 millions de fans sans compter 4,3 mil­lions de followers sur Twitter. Burberry qui fut le précurseur de l’internet dans le luxe se retrouve juste derrière son homologue français avec plus de 16,7 millions de fans sur le social network de Marck Zuckerberg et 3,9 millions de followers sur le réseau à l’oiseau bleu. Instagram monte en puissance d’année en année et devient l’un des réseaux sociaux les plus puissants. 

 

Les marques investissent aussi dans une straté­gie mobile avec la création d’applications pour smartphones et tablettes, 65% des griffes en possède une et Burberry est la référence avec 25% de ses ventes en magasins faites via leur application sur les iPad du magasin. 

 

Le social networking a permis aux marques de toucher au plus près leur cible qui aujourd’hui ne vit qu’à travers internet. Et afin d’impliquer le consommateur, les marques n’hésitent pas à choisir leurs égéries via les réseaux sociaux. C’est d’ailleurs le cas dernièrement de Cacharel qui, pour son parfum mythique, n’a pas hésité à sortir le grand jeu en invitant la chanteuse Tal à être marraine de l’opération et à inclure la jeune youtubeuse Marie (EnjoyPhoenix) à rejoindre le banc du jury final. Avec ses deux personnalités la marque entend renouveler son parfum Amor Amor en innovant avec un casting digital. Les jeunes participantes ont été soumises aux votes des internautes et les dix finalistes se retrouve­ront en compétition face au jury qui élira le nou­veau visage du parfum. Aujourd’hui les réseaux sociaux ne sont plus une simple vitrine mais bel et bien acteurs du marché.

kobu-agency-7okkFhxrxNw-unsplash

III. ALLIER LES CODES DU LUXE TRADITIONNEL À L’INNOVATION DU DIGITAL : TEL EST LE NOUVEAU CRÉDO DES ENSEIGNES

L’arrivée du digital dans l’univers du luxe n’a pas été une mince affaire pour les enseignes. Il a fallu bousculer les codes et s’adapter. Cependant il n’était pas question de renier les valeurs de l’industrie, il a donc fallu que les marques réussissent à allier innovation technologique et incrémentielle pour faire en sorte d’atteindre leur cible tout en préservant les traditions et les valeurs du luxe. Lors de ces deux dernières années la grande tendance des acteurs du haut de gamme a été d’ou­vrir leurs portes et pour quelques uns leurs se­crets de fabrications aux consommateurs via les réseaux sociaux et la plate-forme Youtube avec épisodes vidéo ou photographiques. Ils montrent que les codes de la tradition et du savoir du luxe sont toujours les mêmes mais surtout qu’aujourd’hui ils sont dans une totale transparence vis à vis de l’acheteur et que dans un monde en crise, la confiance que les consommateurs ont envers les marques est très importante et influente sur la décision d’achat. Le digital a permis aux marques de se rapprocher de leur cible tout en restant inaccessibles économiquement parlant, face à certains spectateurs qui ne peuvent que rêver devant leurs écrans. Ainsi l’achat d’un produit de luxe a une valeur ajoutée d’autant plus importante pour celui qui possède l’ob­jet tant convoité qu’il est diffusé tous les soirs après une émission télé ou via les réseaux sociaux. 

 

La force des grandes marques c’est aussi la personnalisation et les déclinaisons ; l’ou­verture à l’ère numérique a permis de diver­sifier leurs offres et de combler une clientèle toujours plus exigeante. Pour exemple Long­champ qui propose son célèbre sac pliage en personnalisation sur le site et permet, de ce fait, au client d’être sûr d’avoir une pièce unique à son bras donc un sac correspondant parfaitement à sa personnalité et ses envies. Le consommateur se dirige sur l’onglet person­nalisation via le site officiel de la marque et grâce à toutes les multitudes de choix, de cou­leurs, motifs et autres, il associe différentes pièces pour se retrouver avec le sac de ses rêves, c’est la magie d’internet. Mais qui dit internet dit ouverture aux mondes et contenus numériques accessibles à tous, et les marques tentent tant bien que mal de lutter face aux contrefaçons devenues de plus en plus faciles à faire. Elles doivent sans cesse veiller et pro­téger leurs créations du plagiat. Chaque in­formation diffusée sur internet est contrôlée et précautionneusement choisie afin que celle-ci ne soit pas détournée en dérision.

IV. LES
« INFLUENCEURS » DU WEB

Les industries de la mode, de la haute couture et du web sont régies par les « influenceurs » du web. Ce sont ceux qui ont un impact im­portant sur la cible visée par les enseignes et représentent les valeurs de la marque. Souvent représentées par des mannequins, les marques ont au fur et à mesure choi­si des égéries à l’influence internationale comme les chanteuses ou les actrices. Et c’est à partir de 2007 qu’un nouveau phénomène a pris de l’ampleur et a envahi les écrans : l’apparition des blogueuses devenues des personne in­fluentes à part entière. Les marques ne cessent de collaborer avec elles comme Cartier et sa célèbre amulette en partenariat avec la suis­sesse Kristina Bazan, ou encore Boucheron et la petite française Betty Autier. Elles sont nom­breuses sur la blogosphère, Chiara Ferragni, Aimee Song, Jules… Et aujourd’hui les you­tubeuses prennent le relais et complètent le tableau des « influenceurs » exemple Michelle Phan qui compte plus de sept millions d’abon­nés et a même développé sa propre ligne de maquillage avec L’Oréal. 

 

Grâce à sa puissante notoriété sur le web, Rihanna avec ses millions d’abonnés et fol­lowers a rajouté plusieurs cordes à son arc en devenant styliste pour Puma et nouvelle égérie de Dior. Aujourd’hui ce sont celles qui font rêver le monde qui influencent les achats. Devant faire face à ces nouvelles guerrières du web, les magazines ont exporté leur for­mat papier sur la toile afin d’être à l’affût de la moindre information que les marques laissent filtrer. Aujourd’hui tout format web ayant une notoriété importante devient un « influenceur » important et les marques ne peuvent plus se permettre de faux pas. Internet est devenu une arme puissante, n’importe quel « in­fluenceur » important peut détruire la réputation d’une marque d’un simple clic. Il faut tou­jours être sur ses gardes.

V. LE PASSAGE AU 3.0

L’internet 2.0 s’est développé avec l’arrivée des blogueuses, des réseaux sociaux mais surtout en offrant un grand éventail de pos­sibilités et de personnalisations. Aujourd’hui l’innovation technologique ne cesse de s’ac­centuer et les professionnels du monde du web parlent maintenant du 3.0. L’arrivée des imprimantes 3D permet un développement en accroissement où tout est accessible rapide­ment pour les consommateurs. Les marques aussi peuvent être plus rapides en livraison. La personnalisation des achats réalisée par les consommateurs est de plus en plus réali­sable. On entre dans une nouvelle ère où les enseignes de luxe devront redoubler d’efforts pour protéger leurs créations mais surtout devront faire preuve d’imagination dans un monde où une phrase, un tweet, un article peuvent changer l’image d’une marque à tout jamais. Le 3.0 et son évolution sont en corré­lation avec la demande toujours plus impor­tante et évolutive des internautes et consom­mateurs de luxe.